Le belvédère des lichens

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Intervention de Gilles Clément

Regards Croisés sur les Paysages – Résidence 2005-2007

 

 

 

La commande

L’association « Sur le sentier des Lauzes » s’interroge sur la notion d’« espace sauvage », lié au phénomène de déprise agricole, et à l’impact physique et culturel de cette évolution économique. Gilles Clément, paysagiste, a été invité à réfléchir à ces questions.

 

Autrefois, sur ce territoire, la montagne était accessible parce qu’entièrement cultivée. Aujourd’hui, l’abandon des terres se traduit par l’enfrichement et la fermeture des paysages. Mais, par ailleurs, l’embroussaillement favorise l’apparition de nouvelles essences végétales et de nouvelles espèces animales. Certains voient cette évolution comme un repli, alors que pour d’autres elle est synonyme d’aventure et de biodiversité.

 

 

 

IMG_2867L’intervention : le belvédère des lichens
un texte / un lieu

Gilles Clément propose la réalisation d’un ouvrage comprenant des textes et des dessins restituant l’ensemble de la réflexion qu’il a menée sur le territoire de la vallée de la Drobie.

 

Parallèlement, sur le terrain, il envisage une installation sans émergence, qui serait une halte sur un point haut du sentier des Lauzes mais légèrement à l’écart de celui-ci, à proximité de la Chapelle Saint Régis entre Saint Mélany et Dompnac. Le site est localisé dans le climat forestier naturel des monts d’Ardèche à sol acide, donc dans la yeuseraie (forêt de chênes verts), milieu peu considéré, traditionnellement réservé à la sauvagine. Il se place en belvédère dont l’angle de vision contient quelques traits remarquables du paysage de l’Ardèche autour de la Drobie, et en particulier l’effet « clairière» des terres aménagées et protégées, groupées autour des villages et entourées de forêts continues dominées par le châtaignier (vue sur Dompnac, village caractéristique d’une telle configuration).

 

L’installation consiste en un platelage de bois, horizontal et « rampant », composé de trois plateaux, semblant couler à même la roche et se pliant à la découpe des moindres reliefs. On y accède depuis le chemin par une sorte de dérivation, perçue comme une invitation à s’engager dans la yeuseraie.

 

Ce sentier traverse un boqueteau de chênes émondés puis de chênes tortueux aux formes remarquables, pour atteindre une lande à genêts purgatifs qui conduit à la halte. Engravées dans les lattes du platelage, on peut lire le nom des espèces de lichens présents associés à cet écosystème.

 

L’objectif de cette installation est de faire apparaître la diversité végétale, de la valoriser en la désignant comme territoire du futur biologique (Tiers-paysage) et de faire mesurer par le regard l’étendue considérable offerte à cette diversité.

 

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le belvédère des Lichens-1

Le livre : Le belvédère des lichens

de Gilles Clément

Co-édition Jean Pierre Huguet éditeur

Parc Naturel des Monts d’Ardèche

En collaboration avec Sur le sentier des lauzes

 

Préface de Martin Chenot,

Habiter le tiers paysage

Territoire à la fois rude et d’une grande beauté, la Vallée de la Drobie fait partie de ces paysages méditerranéens en terrasses dont l’avenir est incertain. Trop isolée pour la périurbanisation, trop abrupte pour l’agriculture ou l’exploitation forestière, y vivre est un choix, qui constitue pour nous – habitants permanents et occasionnels, – un élément de notre identité. C’est précisément pour tenter de réfléchir à l’avenir de ce territoire singulier que nous avons créé l’association Sur le sentier des lauzes. Depuis 2001 au sein de cette association, nous invitons des personnes qui par leur activité ou leur pratique artistique nous paraissent capables d’enrichir notre réflexion. Avec eux, nous tentons de sensibiliser, fédérer et agir en faveur d’un développement respectueux.

 

Depuis l’origine, au cœur de nos interrogations, se tient la question de l’enfrichement, symptôme récurrent des territoires de pente. Alors que dans notre imaginaire collectif persiste comme une image rémanente un paysage de terrasses idéalisé, la Nature reprend sûrement ses droits et donne désormais à voir un paysage sauvage.

Comment vivre dans un paysage en ruine ?

Comment ne pas ressentir cette évolution comme une perte ?

 

En découvrant fortuitement le “manifeste du tiers paysage », nous avons trouvé écho à nos inquiétudes. Non seulement Gilles Clément y nomme notre paysage, mais en plus lui attribue des valeurs associées dont nous n’avions que l’intuition : réserve de biodiversité, morceau du Jardin Planétaire, espace précurseur d’une cohabitation pacifiée entre la Nature et l’Homme. Nous nous sentions habitants d’un territoire en marge et nous découvrons que le Jardin Planétaire a besoin de nous. De ce constat ont émergé de nouvelles questions, immédiates et pratiques, que l’on pourrait résumer ainsi : comment habite-t-on un tiers paysage ?

Le mieux était sans doute d’en discuter directement avec l’auteur.

 

Profitant de l’opportunité offerte par le programme « Regards croisés sur les paysages », avec la collaboration et la complicité du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche et de Art3, nous avons donc invité Gilles Clément dans la vallée de la Drobie. A l’occasion de plusieurs séjours étalés de l’été 2005 à l’été 2007, il a conçu le belvédère des lichens – à la fois livre et lieu à découvrir– comme une façon de relativiser ce phénomène d’enfrichement. Depuis ce belvédère, on comprend mieux qu’habiter un tiers paysage – même de façon éphémère – c’est devenir les jardiniers de cette part du Jardin Planétaire qui a le plus besoin de notre ménagement. Et le jardinier entretient des relations familières avec la friche.

 

Comme un morceau de paysage nomade, ce belvédère est désormais entre vos mains. Et il se trouve aussi, – bien réel – au détour du sentier des lauzes. Le livre et le lieu sont maintenant liés et offrent un excellent point de vue pour mesurer à quel point habiter un tiers paysage est un acte responsable.

 

Martin Chénot
Président de l’association Sur le sentier des lauzes

 

 

Introduction de Gilles Clément

Se rendre à Saint Mélany.

 

Quitter la ville, l’ordre fictif, l’anonymat avantageux de la rue, l’étalage des produits, le reflet des vitrines, l’espace d’apparence collective, les rencontres réduites à l’échange des regards – tant de hâte, tant de visages croisés, improbables désirs – tant d’obligations,  tant de marchandises.

 

Emprunter les routes larges – larges au point de capturer l’horizon – naviguer dans le sillage des poissons imparfaits, objets roulants, jouets pour enfants, voitures colorées, copiées-collées d’une marque à l’autre, têtards luisants sous le soleil organisé de nos vacances (oui c’est par là qu’on allait, vers le sud, vers les montagnes ou la mer, cette même impression).

 

Abandonner le flux incontinent, s’engager sur des voies anciennes rehaussées d’images où l’on dit bien que tout est à vendre : depuis l’ apéritif disparu d’après guerre achevant de pâlir sur un pignon aveugle jusqu’au dernier portable jetable, impayable et payant où s’affiche en pixels serrés un visage riant, un trop de dents.

 

Tourner, tourner autour des ronds qui bordent les villages, les balisent, les  encerclent de fleurs, de fontaines et d’images littérales destinées à vanter le terroir. Ah ! les images, le cœur à nu des élus : sur quel assentiment municipal a-t’on voté la charrue repeinte et noyée de pensées, la bouteille géante en joubarbes rouges, la normande aux pis roses en carton peint luisant, le jardinier aux membres articulés par l’empilement de pots, l’arche, la digue, les trois rangs de vigne ?…

 

Hésiter sur le parcours, recommencer et choisir un chemin de moindre largeur comme l’indique le plan. Où s’effacent les lignes blanches, où cessent les injonctions pour faire place à des noms de hameau.

 

Aborder le foisonnement, les châtaigniers, les multiples tournants, le relief immédiat, les sources, les ruisseaux déjà, l’organisation des pierres, la science des murs. Eprouver l’humeur du climat et cette curieuse apesanteur que procure en tout temps le sentiment d’être assujetti au sol et  de s’en affranchir.

 

Ralentir par la force des choses  – l’étroitesse, l’étonnement – s’arrêter devant  une phrase écrite à la main sur la roche : « cochongliers éradication totale ». Ou encore cette affiche : « Bientôt voyager en Ardèche » illustrée d’arbres coupés remplacés par une forêt d’éoliennes . Sur le panneau, énigmatique, une clé suspendue.

 

Ouvrir les mots, pénétrer les questions avant de s’engager. Ici les gens ont un avis.

( …)


Événements

"Regards croisés sur le paysage" clôture du programme Inter-parc et présentation des projets

> Médiations / Rencontres | Arts plastiques | Musiques et créations sonores

septembre 2007

Saint Mélany

Sur la période 2005-2007, l’association travaille dans le cadre d’un programme Interparcs (parcs naturels régionaux du Pilat, du Vercors et des Monts d’Ardèche), sur le thème “Regards croisés sur les paysages”.

Gilles Clément intervient sur la question de l’enfrichement, Akio Suzuki sur le sentier et les liens, Simona Denicolai et Ivo Provoost sur…

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