GÉOLOGIES
JAN KOPP – GÉOLOGIES
vidéo HD 16/9, couleur, son. 35 min.
à consulter par ici :
https://vimeo.com/732398964 mot de passe : GrégoireMonsaingeon
Pour aboutir à la réalisation du film, tout a commencé par une simple visite du musée des Vans. Depuis ce haut point de la ville, on explique à Jan Kopp que les façades courbées des maisons témoignent du passage de la rivière aujourd’hui canalisée et souterraine.
Dans la cour intérieure pavée de galets, on lui dit que la roche dont ils sont formés ne correspond pas à la géologie locale : le Chassezac les a sans doute arrachés et polis depuis les hauteurs de la Margeride. Dans les réserves, on lui montre des objets disparates : instruments chirurgicaux, vieux outils de la paysannerie cévenole, pièces archéologiques et géologiques, et un joli porteplume d’argent ciselé. Et là, c’est toute une histoire qu’on lui conte : une habitante des Assions, petit village voisin des Vans, l’a reçu des mains du Grand Duc Cyril de Russie. Elle était la gouvernante de ses enfants. Si l’Histoire avait été écrite autrement, il aurait hérité du Trône de Russie après l’assassinat du Tsar Nicolas II. C’est ainsi que, des Vans, par l’intermédiaire d’un petit objet inanimé, l’artiste s’est retrouvé projeté dans la cour du Tsar, à bord d’un bateau dont Cyril était l’amiral où la mort a failli le faucher lors de la guerre Russo-Chinoise. Vertige !
Lorsqu’il est invité à penser une œuvre pour un lieu, Jan Kopp aime partir de la matière qu’il trouve sur place sans rien apporter d’autre de l’extérieur que son propre regard. C’est ensuite dans l’agencement de cette matière que l’œuvre, peu à peu, se construit.
La matière qu’il a trouvée ici est donc celle-ci : le récit. Aux sept objets choisis et disséminés aujourd’hui dans les salles du musée, il a redonné vie en racontant ce pourquoi ils étaient arrivés jusqu’ici, aux Vans. D’un coup, nous voilà reliés à des infinités d’espace et de temps, projetés 220 millions d’années plus tôt dans la trace d’un dinosaure, voyageant en Afrique, en Chine, à Rome. En bon alchimiste de la matière, Jan Kopp nous montre que tout est relié à tout, il nous fait comprendre joyeusement les mots du géographe humaniste Élisée Reclus qui définissait l’Histoire comme de la géographie dans le temps et la géographie comme de l’Histoire dans l’espace. En partageant avec nous l’histoire, même sans H majuscule, de chacun de ces objets, il leur donne de l’épaisseur.
Mais il ne s’arrête pas là et convie des enfants de six ans – qui ne connaissent pas la véritable histoire des objets – à imaginer ce qu’ils sont. La puissance de l’imaginaire de l’enfance entre alors en scène. Jan Kopp fait ainsi coexister un discours scientifique, issu de longues recherches, de connaissances accumulées au fil des siècles, et l’intuition d’enfants de six ans capables d’imaginer avec la même assurance et certitude un modèle du monde qui leur semble convenir à l’objet.
Le tragique, l’étonnant, le drôle, le surprenant, l’incroyable se retrouvent d’un coup dans les objets en une foule de sentiments que Jan Kopp appuie encore en inversant les rôles : alors qu’une voix adulte nous raconte les histoires des enfants, le discours sérieux, scientifique, est lu par des adolescents, à cet âge si particulier de la transition, quand la voix hésite encore à se placer entre aigües et graves chez les garçons, quand le corps change à vue d’oeil et que l’on rejette parfois l’enfant qu’on était sans connaître encore l’adulte que nous serons.
Ce sont alors des voix, des corps, des vies qui pénètrent les objets et les animent littéralement.
Le lien à l’Ardèche ne s’arrête pas à cette exposition pour Jan Kopp. Il est invité par l’association Sur le sentier des lauzes, dans la vallée de la Drobie, à venir créer une nouvelle œuvre pérenne le long de la rivière Sueille. Comme aux Vans, l’artiste ne va rien rapporter de l’extérieur mais partir de ce qui est là : un ancien moulin, une béalière, une murette séparant des parcelles, autant de traces témoignant de plusieurs siècles d’une activité agricole qui a façonné les paysages de cette vallée. De la même manière que les objets présentés au musée des Vans, ces éléments du patrimoine paysan montrent le besoin incessant de l’être humain à s’inscrire dans le monde. En nous montrant de simples objets inanimés, en nous faisant poser le regard sur ce qui n’a plus d’usage, Jan Kopp nous révèle la vie qui se cache derrière chaque chose, l’imagination que nous déployons pour nous inscrire à tout prix dans le temps et dans l’espace.
David Moinard
Médiateur artistique de l’association Sur le sentier des Lauzes
L’exposition « Jan Kopp – Géologies » est une coproduction de l’association Sur le sentier des
lauzes et du Musée des Vans.